This study is the first in a series of three articles devoted to Neagoe Basarab. Using the tools of the hermeneutics of literary texts and sacred images, cultural studies and the history of sensibilities and emotions, these articles aim to define the cultural contribution of the voivode influenced by Hesychasm in the transition from the Middle Ages to the post-Byzantine Romanian Renaissance and Humanism.
The study will first focus on the Romanian prince's work as a ctitor (founder, builder) and cultural patron at the beginning of the 16th century. It is followed by a second study devoted to his parenetic literary work, The Teachings of Neagoe Basarab to his son Theodosius - (‘Let us renew the inner man’. A model of social and cultural policy: The Hesychast Humanism, published in the Swedish Journal of Romanian Studies, vol. 8, no. 2 / 2025) and a third, which will analyse the voivode's iconography, in an attempt to identify the role of the spiritual doctrine of Hesychasm in these shifts in cultural paradigms.
By focusing on Neagoe Basarab, the voivode of his country and therefore the representative who set the direction for his time, as well as on his work (political, literary and as a patron of the arts), we will attempt to analyse the elements that converge to configure a model of culture and sensibility for the Romanian space and its inhabitants at the end of the Middle Ages, and observe how the first stages of crossing the threshold towards a new cultural paradigm, that of Humanism and the Renaissance, are articulated.
We will reactivate two concepts already used by specialists in the field - hesychast humanism and political hesychasm, and we will try to identify the relationship established between the two in order to see whether Byzantine (and especially post-Byzantine) hesychast humanism is, in reality, nothing other than the materialisation of militant hesychasm as a cultural policy.
This hesychasm proposes in effect a society in which the value of the Human being as a perfect creation is first and foremost recovered and put back at the centre of a world where, concentrated on God and on himself to improve continually, he could participate in an ideal way in the life of the city by activating the virtues of contemplation (also incorporating the practice of continuous prayer) and discernment as essential and indispensable premises of (good) action. The latter is often sublimated precisely in its best form, ctitoria - architectural, cultural, literary construction.
[1] Cf. Johan Huizinga, The Task of Cultural History, dans Man and Ideas. History, the Middle Ages, the Renaissance, traduit par James S. Holmes et Hans van Marle (New York : Meridian Books, 1965), 17-76.
[2] Peter Burke, Qu’est-ce que l’histoire culturelle ? Avant-propos d’Hervé Mazurel, Préface à l’éd. française de Peter Burke, Traduit de l’anglais par Christophe Jaquet (Paris : Les Belles Lettres, 2022) (traduction de la 3ème éd. en anglais, de 2019 ; 1ère éd : 2004), 206.
[3] Pour déployer cette complexité exemplaire, nous avons conçu l’étude présente comme la première d’un cycle de trois articles consacrés à Neagoe Basarab, dont l’idée est initialement partie des conclusions d’une communication soutenue au Colloque international Intérieur / extérieur. Dialectique et représentations en dynamique (Italie, XIIIe-XVe siècle), organisé les 9 et10 juin 2023 à l’Université Sorbonne Nouvelle par les collègues Laurent Baggioni et Patrizia Gasparini, que je remercie.
[4] Învățăturile lui Neagoe Basarab către fiul său Theodosie [Les Enseignements de Neagoe Basarab à son fils Théodose], texte choisi et établi par Florica Moisil et Dan Zamfirescu. Avec une nouvelle traduction de l’original en slavon de G. Mihăilă. Étude introductive et notes de Dan Zamfirescu et G. Mihăilă (Bucarest : Minerva, 1970), 230.
Voir aussi Laura Lazăr Zăvăleanu, « „Renouvelons l’homme intérieur” . Un modèle de politique sociale et culturelle : l’Humanisme hésychaste », Swedish Journal of Romanian Studies 8, n° 2 (2025) : 95-108.
[5] Dans Despre isihasm [De l’Hésychasme], éd. Anca Manolescu (Bucarest : Humanitas, 2003), 65, André Scrima précise que « La créativité à l’intérieur de la tradition […] est un trait qui a, pour la vie de l’Église orientale, une valeur centrale ».
[6] Dan Ioan Mureșan, dans “The Hesychasts. « Political Photianism » and the public sphere in the fourteenth century”, chapitre de The Orthodox Christian World, Ed. Augustine Casiday (London and New York : Routledge, 2012) 294-302, se focalise sur l’idée de renaissance patristique hésychaste comme « point focal » de la doctrine palamite de la déification de l’homme et de l’amélioration de la position de l’Église et de la spiritualité orthodoxe du Commonwealth byzantin au XIVème siècle, en contradiction avec la détérioration de plus en plus accentuée et sans capacité de redressement du pouvoir politique de l’Empire.
[7] Sur le concept, la réalité et la symbolique de l’imaginaire du pouvoir byzantin de l’empereur-prêtre, voir l’excellente étude de Petre Guran, Rendre la couronne au Christ. Étude sur la fin de l’idée impériale byzantine (Heidelberg : Herlo Verlag, 2021), surtout 125-160. Dans l’étude „Giochi di pazienza. Viața Sf. Nifon și istoria Țării Românești: un sfânt și un domn ideal” [Giochi di pazienza. La Vie de Saint Niphon et l’histoire de la Valachie : un saint et un roi / seigneur idéal], publiée dans le volume Românii și Creștinătatea Răsăriteană [Les Roumains et le monde chrétien oriental], dir. Petronel Zahariuc (Iassy : Doxologia, 2021), Ovidiu Olaru et Ovidiu Cristea construisent leur thèse principale justement sur le rôle novateur et réparateur de Neagoe Basarab qui réussira à mettre en acte la guérison / tămăduirea du pays que le métropolite Niphon II avait déjà été appelé à accomplir par Radu le Grand (1495-1508), mais sans avoir eu le temps de l’achever.
[8] Pour une synthèse rapide de ces principes (ordonnant à la base une vie ascétique) que Neagoe reprend et développe dans le dessein d’une politique spirituelle et culturelle au niveau de tout le pays, voir Lazăr Zăvăleanu, « Renouvelons l’homme intérieur », 97-98, où nous nous focalisons sur « la vocation de l’hésychasme à la médiation culturelle, la primauté de la sainte Tradition et de sa liaison continue au présent immédiat […], la primauté de la lecture des textes sacrés et patristiques et de l’édification spirituelle à travers les livres. D’où, encore, l’importance fondamentale de la relation magister - disciple, […] l’importance de l’individu unique en soi et non pas seulement maillon d’une communauté, la concentration sur soi par la méditation et l’introspection dans une pratique du silence et de la paix extérieure pour acquérir la paix intérieure, la prière continue comme état de conscience agrandi, l’idée de la valeur de l’Homme comme création parfaite qui, par amélioration, peut retrouver Dieu et l’état parfait d’avant la chute […], la considération absolue du discernement, mais aussi des émotions et des sentiments, la profondeur du rapport silence / parole et de celui du texte oral / texte écrit ».
[9] Gelian M. Prokhorov, « L’hésychasme et la pensée sociale en Europe orientale au XIVème siècle », dans Contacts. Revue française de l’Orthodoxie XXXI , no 105 (1979) : 55, où l’historien russe identifie d’ailleurs ce modèle représentatif en Serge de Radonège, mais il peut être ouvert vers une typologie générale de la période.
[10] „Începutul Învăţăturilor bunului credincios Io<An> Neagoe, Voievodul Ţării Ungrovlahiei, carele au învăţat pre fiiu-său Theodosie Vodă Partea dintâi. Cuvântul 1: Iubitu mieu fiiu, mai nainte de toate să cade să cinsteşti şi să lauzi neîncetat pre Dumnezeu cel mare şi bun şi milostiv şi ziditorul nostru cel înţelept, şi zioa şi noaptea şi în tot ceasul şi în tot locul. Şi să foarte cuvine să-l slăveşti şi să-l măreşti neîncetat, cu glas necurmat şi cu cântări nepărăsite, ca pre cela ce ne-au făcut şi ne-au scos din-tunérec la lumină şi den nefiinţă în fiinţă. O, câtă iaste de multă mila ta, Doamne, şi gândul şi cugetul tău, care ai spre noi oamenii!”, Les Enseignements de Neagoe Basarab, 125.
[11] L’expression de l’Antiquité romaine utilisée dans le cadre médiéval roumain a été introduite par Răzvan Theodorescu, dans Itinerarii medievale [Itinéraires médiévaux] (Bucarest : Minerva, 1979), section „Câțiva „oameni noi”, ctitorii medievali” [Quelques « hommes nouveaux », les fondateurs médiévaux], 37-95. La formule est utilisée également par la moniale Anastasia Văetiși, dans son étude iconographique „Portretistica votivă a lui Neagoe Basarab” [« Portrait votif de Neagoe Basarab » ], dans Sfântul voievod Neagoe Basarab – ctitor de biserici și cultură românească [Saint Voïvode Neagoe Basarab - fondateur des églises et de la culture roumaine] (Bucarest : Cuvântul Vieții de la Métropolie de Munténie et de Dobroudja, 2012), 189.
[12] Lazăr Zăvăleanu, « Renouvelons l’homme intérieur », 98.
[13] Je remercie Père Marc-Antoine Costa de Beauregard pour ses suggestions et son expertise terminologique théologique.
[14] Nicéphore le Solitaire, « Discours très utile sur la prière, la vigilance et la garde du cœur », dans Filocalia – sau culegere din scrierile Sfinților Părinți care arată cum se poate omul curăți, lumina și desăvârși [Philocalie – ou recueil des écritures des Saints Pères qui montrent comment l’homme peut se purifier, s’éclairer et se perfectionner], vol. 7, Traduction du grec, introduction et notes du Prêtre Professeur Dumitru Stăniloaie (Bucarest : Institutul Biblic și de Misiune Ortodoxă, 2013), 16 et 26.
[15] Idem, 78 : « Discours de Théolepte, le Métropolite de Philadelphie, sur les labeurs de la vie monacale ».
[16] Voir supra, la note 13 et les précisions du paragraphe qu’elle explicite.
[17] Pour le double modèle Moïse et David, voir aussi Olar, Cristea, „Giochi di pazienza”, 60-62.
[18] La typologie proposée pour les trois personnages bibliques par Pierre Bordreuil et Françoise Briquel-Chatonnet (Le temps de la Bible, Paris : Gallimard, 2018) identifie des traits qu’on trouve synthétisés dans le portrait de Neagoe : l’élu de Dieu pour guider, sauver et finalement « constituer » son peuple (Moïse, au sens de l’organisateur d’un nouveau peuple sédentarisé, 97-120), roi fondateur croyant et très humain, poète et musicien qui écrit aussi (David, 191-207). Sans discuter ici la rhétorique du lieu commun, nous reprenons le topos des qualités de Salomon, parce qu’elles pourraient être parfaitement superposées au portrait de Neagoe aussi : « roi idéal, riche, puissant, mais aussi sage et juste, un roi pieux qui consacre son règne au culte divin, construit une demeure pour son dieu et fait prospérer son royaume », 221.
[19] „Şi în toate laturile de la Răsărit până la Apus şi de la Amiază-zi până la Amiază-noapte, toate sfintele biserici le hrănea şi cu multă milă pretutindeni da și mai vârtos pe cei ce se înstrăinau prin pustii, și prin peșteri și prin schituri fără de nicio scumpete îi hrănea, și nu numai creştinilor fu bun, ci şi păgânilor, şi fu tuturor tată milostiv, asemănându-se Domnului ceresc, care străluceşte soarele său şi ploaia şi pe cei buni şi pe cei răi, cum arată Sfânta Evanghelie.”, dans Viața și traiul sfinției sale părintelui nostru Nifon, Patriarhul Țarigradului, care au strălucit între multe patemi și ispite în Țarigrad și în Țara Muntenească, scrisă de chir Gavriil protul, adecă mai marele Sfetagorei, dans Literatura română veche [La Littérature roumaine ancienne] (1402-1467), Introduction, édition et notes de G. Mihăilă et Dan Zamfirescu, Vol.1 ([Bucarest] : Éditions Tineretului, [1969]), 92.
[20] Laura Lazăr Zăvăleanu, « Renouvelons l’homme intérieur ».
[21] Les deux citations renvoient à Petre Guran, Rendre la couronne au Christ, 458.
[22] Idem.
[23] Je remercie Pr. Prof. univ. Jan Nicolae pour ses suggestions bibliographiques.
[24] Dan Ioan Mureşan, « Rêver Byzance. Le Dessein du Prince Pierre Rareş de Moldavie pour libérer Constantinople », Études byzantines et post-byzantines , n° 4 (2001) : 207-265.
[25] Idem pour les listes de références bibliographique des deux directions de l’historiographie roumaine concernant le rapport entre domnia en Valachie et Moldavie et le modèle impérial byzantin ainsi qu’une excellente synthèse concentrée de ces deux « modèles d’analyse » (217). D’une part, Nicolae Iorga, avec Byzance après Byzance. Continuation de la Vie Byzantine (Bucarest, éd. I, 1935, éd. II, 1971, Paris, éd. III, 1992) et Valentin Al. Georgescu avec Bizantul şi instituţiile româneşti până la mijlocul secolului al XVlll-lea [Byzance et les institutions roumaines jusqu’au milieu du XVIIIème siècle] (Bucarest, 1980), pour lesquels « la structuration du pouvoir de cette institution a été réalisée en faisant appel au système idéologique du "Commonwealth byzantin", surtout par l'intermédiaire de l'Église. Mais en s'y introduisant, la domnia ne s'est pas laissé devenir la proie des illusions impériales, en élaborant un message pragmatique du pouvoir conforme â la position réelle des Pays roumains » (216). D’autre part, Petre Ş. Năsturel (« Considérations sur l'idée impériale chez les Roumains », Byzantina V (1973) : 395-413 + 4 pl. ; Idem, « Le Mont Athos et les Roumains. Recherches sur leurs relations du milieu du XIVème siecle à 1654 » [OCA 227, 1986], et Dumitru Năstase (Ideea imperială la români şi evoluţia ei în raport cu vechea artă românească [L’idée impériale chez les Roumains et son évolution en rapport avec l’art roumain ancien] (Athènes, 1972); L'héritage impérial byzantin dans l'art et l'histoire des Pays roumains (Milan, 1976) etc., conformément auxquels « les souverains de Valachie et de Moldavie se considéraient voïvodes et domni de leurs pays, mais ils estimaient aussi que ces rangs mêmes faisaient d'eux des successeurs des empereurs de Constantinople dont ils prétendaient porter la couronne et diriger l'empire. Selon eux, cet empire continuait donc d'exister, longtemps après sa conquête par les Turcs. Cette prétention s'appuyait sur la doctrine de l'empire en exil élaborée après 1204, lorsque l'empereur même disparut du premier rang de la hiérarchie byzantine des États. Les fragments de l'Empire, se considérant comme héritiers de l'œcuménicité orthodoxe transformée d'une réalité politique en une réalité spirituelle, n'ont pas cessé d'essayer de reconstituer le tout, en s'appropriant parfois même le titre impérial. Le Mont Athos était le symbole de la communauté byzantine et c'est pourquoi la concurrence pour la libération de Constantinople se reflète dans la compétition pour le patronage de ce saint lieu » (217).
[26] Olaru, Cristea, „Giochi di pazienza”, 64, observent eux aussi le modèle du roi idéal de Neagoe Basarab qui apparaît dans la Vie de Saint Niphon et celui « d’un nouveau fondateur de la Valachie, un seigneur sous lequel la principauté commence une nouvelle histoire [n.s.] ».
[27] « Beaucoup de fois, comme dans les légendes liées à Negru-Vodă, la fondation apparaît comme la prolongation, la reprise d’un effort fondateur des ancêtres. La fondation est, beaucoup de fois, re-fondation, association à une longue chaîne de fondateurs […]. Te déclarer inclus dans une chaîne de fondations […] signifie invoquer la tradition, poser sur ce lieu la garantie de la tradition [s.a.] ». (Anca Manolescu, Locul călătorului. Simbolistica spațiului în Răsăritul creștin [La Place du voyageur. Symbolique de l’espace dans l’Orient chrétien] (Bucarest : Paideia, 2002), 146).
[28] „Loc de Mănăstire/ Și de pomenire” et „Un zid părăsit/ Și neisprăvit”, V. Alecsandri, Poezii populare ale românilor [Poésies populaires des Roumains], avec des notes des éditions précédentes et des manuscrits par Em. Gârleanu (Bucarest : Éditions populaires Minerva, Institut d’art graphique et Maison d’édition, 1908), 122. Voir aussi infra, notes 40, 41 et 42 et les paragraphes qu’elles explicitent.
[29] Concernant l’interprétation de la présence de l’aigle bicéphale dans la représentation du pouvoir dans les Pays roumains voir, parmi d’autres : Dumitru Nastase, « L’Aigle bicéphale dissimulée dans les armoiries des pays roumains. Vers une crypto-héraldique », dans Roma, Costantinopoli, Mosca, Atti del I Seminario internazionale di studi storici „Da Roma alla Terza Roma”, Roma 21-23 aprile 1981 (Neapole, 1983), 357-374 + 25 il. ; Idem, “Imperial Claims in the Romanian Principalities, from the Fourteenth to the Seventeenth Centuries. New Contributions”, dans The Byzantine Legacy in Eastern Europe (New York : Lowell Clucas Ed., Columbia University Press, 1988), 185-224 + 2 pl. ; Idem, « Une aigle bicéphale déguisée sur une charte inédite de Michel le Brave (1599) », Bulletin de la Société d’Héraldique et de Généalogie de Grèce 8 (1993) : 166-176 + 1 pl. ; Maria Venera Rădulescu, „Cahle cu reprezentări heraldice descoperite la Câmpulung Muscel – « acvila bicefală »” [Carreaux de poêle avec représentations héraldiques découvertes à Câmpulung Muscel – « l’aigle bicéphale »], Argesis, S. Histoire X (2001) : 123-126 ; Dumitru Nastase, „Vulturii bicefali de la Mănăstirea Putna” [Les aigles bicéphales du Monastère Putna], dans Ștefan cel Mare și Sfânt. Atlet al credinței creștine [Étienne le Grand et saint. Athlète de la foi chrétienne] (Putna : Éditions Sfânta Mănăstire Putna), 71-80 ; Rodica Popovici, « Carreaux de poêle. Aigles bicéphales dans la Moldavie médiévale (XVe – XVIIe siècles) », CI XXXII (2013) : 131-163.
[30] Je remercie Pr. Gabriel Herea, curé de l’église-monument de Pătrăuți entre 2003-2021, de m’avoir attiré l’attention sur le détail des chaussures rouges de toute la famille, les tzangia portés par les empereurs byzantins.
[31] Les Enseignements de Neagoe Basarab, 173, précisent même : « et il était écrit en lettres latines tout autour [de la croix, n.n.] et ces lettres écrivaient et disaient comme ça : „Constantin, avec ce signe tu vaincras”»/ „Şi era scris cu slove leteneşti împrejuru-i, şi acéle slove scriia zicându aşa: « Costandine, cu acesta semnu vei birui! »”.
[32] Les Enseignements de Neagoe Basarab, 172, proposent comme titre pour l’histoire de Constantin le terme Poveste (Povèste pentru marele Costandin Împărat [Conte pour le grand Empereur Constantin]) qui peut être traduit surtout dans le sens de conte (ou récit), d’autant plus que le récit commence exactement avec la formule du conte – « il était une fois »/ „odată, oarecându”, renforçant l’idée d’histoire légendaire légitimante.
[33] „Şi aşa vom spune cu adevărat că nu este aşa de mare şi sobornică precum Sionul, carele îl făcu Solomon, nici ca Sfânta Sofia, care o făcu marele împărat Iustinian, dar cu frumuseţea este mai pre deasupra acelora”, La vie de Saint Niphon, 94.
[34] Idem, 94 : „înfrumuseţat, atâta de minunat, cât nu poate mintea omului să închipuiască şi să spună”.
[35] „Loc de Mănăstire/ Și de pomenire”, Alecsandri, Poésies populaires des Roumains, 122. Voir aussi supra, les notes 28 et 29 et les paragraphes qu’elles explicitent.
[36] „Un zid părăsit/ Și neisprăvit”, Idem.
[37] La même idée apparaîtra un siècle et demi plus tard chez le chroniqueur moldave Miron Costin, qui, obligé de sauver sa vie en exil en Pologne, y écrira une histoire en vers de son pays (Poema Polonă [Le Poème polonais]), pour la faire connaître aux nobles polonais en guise de remerciement pour leur hospitalité. C’est dans la légende sur la fondation de la Moldavie que Costin consacre le sens de reconstruction de la seconde fondation, la fondation médiévale censée restaurer le prestige de la première, la fondation antique, daco-romaine. Dans son cri triomphant de jeune seigneur fondateur, Dragoş postule, une fois de plus, non seulement la loi de récupération et de continuation de l'œuvre des ancêtres mais aussi l'obligation indiscutable de la respecter (Cf. Laura Lazăr, „Imaginarul religios în literatura română” [L’imaginaire religieux dans la littérature roumaine], Enciclopedia imaginariilor din Romania, Vol. I: Imaginar literar [L’Encyclopédie des imaginaires de Roumanie, Vol. I : Imaginaire littéraire], Dir. Corin Braga, (Iassy : Polirom, 2020), 52). Condition fondamentale aussi – partager la nouvelle de cette (re)fondation avec le pays d’origine entier et tout l’œkoumène de référence, c’est ce qui consacre, finalement, l’acte fondateur, en le reconnaissant et en l’intégrant ainsi dans la grande Histoire : « Oh, jeunes gens, s'écrie Dragoş, ici est notre patrie, il n'est plus besoin de prendre conseil, je ne repartirai plus d'ici. Je vais restaurer les demeures de nos ancêtres. Pour l'instant, je jure que je vais le faire et je transmettrai le message chez nous. Et si quelqu'un d'entre vous pense autrement, je le renverrai immédiatement [n.s.] »/ „O! tineri – strigă Dragoş – aci e patria noastră, nu mai e nevoie să ne sfătuim, eu nu mă mai întorc înapoi de aici. Voi restabili locuinţele strămoşilor noştri. Chiar acum jur că o voi face şi trimit de veste acasă. Iar care dintre voi gîndeşte altfel îl trimit îndată înapoi”, Miron Costin, Opere [Œuvres], édition , 1, 258-259.
[38] „pre toţi, pre cei mari şi pre cei mici, pre săraci şi pre văduve, pre mişei şi pre neputernici”, Viața Sfântului Nifon, 96. Gavriil le Protos décrit émerveillé cette assemblée de notables de toutes les églises importantes de tradition orthodoxe byzantine, en commençant par « Théolepte de Constantinople, le patriarche du monde entier »/ „Teolipt ţarigrădeanul, patriarhul a toată lumea” (95) et en insistant sur cette même idée de devoir partager et perpétuer le message et le sens de la nouvelle fondation avec toute la communauté d’origine, comme la citation ci-dessus de Miron Costin (voir supra, note 37) le prouvait aussi : « Je vais restaurer les demeures de nos ancêtres […] et je transmettrai le message chez nous [n.s.] » (Costin, Opere, 1, 258-259)
[39] Pour toutes les citations de ce paragraphe : Documente privitoare la istoria românilor culese de Eudoxiu de Hurmuzaki [Documents concernant l’histoire des Roumains recueillis et annotés par Eudoxiu de Hurmuzaki], vol. II, pars 3 : 1510-1530, recueillis et annotés par Nicolae Densușianu (Bucarest : Socecu, 1892), 307-309.
Voir aussi P. P. Panaitescu, Contribuții la istoria culturii românești [Contributions à l’histoire de la culture roumaine], (Bucarest : Minerva, 1971), 171 et Nicolae-Şerban Tanaşoca, «Deux opuscules de Manuel de Corinthe sur les divergences entre l’Église orthodoxe de l’Orient et l’Église catholique romaine : l’épître adressée à Neagoe Basarab et l’apologie à l‘intention du frère prêcheur Franciscus », RESEE LI, n° 1-4 (2013) : 105-145.
[40] Panaitescu, Contribuții la istoria culturii românești, 169.
[41] Robert F. Taft, dans Ritul Bizantin. O scurtă istorie [Le rite byzantin. Courte histoire] (Alba Iulia : Reîntregirea, 2017), 39-40, parle du moment du passage de la « ville église » à l’église comme bâtiment et espace sacré investi au moment précis de la construction de Sainte Sophie, celle qui change l’ordre des repères spatiaux de l’Empire. Il serait peut-être intéressant de faire une analyse similaire du rapport entre le rôle des villes de Curtea de Argeș et de Târgovişte et la construction de leurs églises-chefs d’œuvre.
[42] Les Enseignements de Neagoe Basarab, 340 : „slava cea dăşartă a lumii aceştiia şi bucuriia ei”. Parmi les éléments énumérés – les bains chauds, les beaux jardins, les abondantes tables étalées, les beaux chevaux ornés d’harnachements en or et argent, les couronnes impériales parées de diamants et pierres précieuses etc.
[43] Voir aussi Gilbert Dagron, Empereur et prêtre : Étude sur le « césaropapisme » byzantin (Paris : Gallimard, 1996), qui analyse la « sainteté impériale » byzantine entre VIIIe et XIe siècles en relation avec la royauté des patriarches vétérotestamentaires.
[44] Les Enseignements de Neagoe Basarab, 131.
[45] Comme, par exemple, les références de lecture, les mêmes en Valachie et en Moldavie que dans la nouvelle Moscovie. Gelian M. Prokhorov parle d’un « système philosophique unique pour toute l’Europe orientale » et énumère, parmi les traductions les plus étudiées dans la Russie de la période, des auteurs et des titres qui font aussi partie des sources des Enseignements de Neagoe Basarab, comme Pseudo-Denys l’Aréopagite, Syméon le Nouveau Théologien, Jean Climaque, Grégoire le Sinaïte ou le Dioptre de Philippe le Philosophe (Prokhorov, « L’hésychasme et la pensée sociale », 56) et resteront présentes deux siècles plus tard, entre les références du Divan (1698) de Dimitrie Cantemir ou d’autres érudits de la période.
Image 1. Saint Nicolas avec les donateurs : Neagoe Basarab et sa femme, Despina Milita, avec leurs enfants. Icône, tempera sur bois, Valachie, 1517, détail, Musée National d’Art de la Roumanie. Je remercie le Musée National d’Art de Roumanie, Bucarest pour la générosité de m’offrir les droits de reproduction et publication de l’image. Mes remerciements particuliers à Madame Iulia Dumitrașcu pour son aide.
Image 2. Le voïvode Neagoe Basarab, Dame / Doamna Despina et leurs enfants. Fresque votive du Monastère de Curtea de Argeș, 1512-1517, Musée National d’Histoire de Roumanie, Bucarest, Photo Marius Amarie. Je remercie le Musée National d’Histoire de Roumanie, Bucarest, pour la générosité de m’offrir les droits de reproduction et publication de l’image.
Image 3. Etienne le Grand avec sa famille (Doamna Maria Voichița, Bogdan III, le dauphin, et leurs deux filles) et l’Empereur Constantin le Grand intercédant devant le Trône du Christ. Fresque votive du monastère Pătrăuți, nef, 1496-1499, Photo Petru Palamar. Remerciant aussi Pr. Gabriel Herea pour la générosité de m’offrir les photos et les droits de reproduction et publication de l’image, je renvoie à ses recherches pour les fascinantes documentations et analyses des projections solaires dans l’église de Pătrăuți dont le début de la construction est daté le jour du solstice d’été de 1487 : Gabriel Herea, Tudor-Călin Urcan, Păzitorii Pragului la Pătrăuţi [Les Gardiens des Seuils à Pătrăuţi] (Bucarest : Meteor Publishing, 2018) ; Gabriel-Dinu Herea, Vocea soarelui la Pătrăuți. Simbolismul unor aliniamente solare [La Voix du Soleil à Pătrăuți. Le Symbolisme des alignements solaires] (Timișoara : Presse de l’Université de Ouest, 2020) ; Vladimir Ivanovici, Alice Isabella Sullivan and Gabriel-Dinu Herea, “Natural Light in the Church of the Holy Cross at Pătrăuți Monastery”, dans V. Ivanovici, A. I. Sullivan, éds., Natural Light in Medieval Churches; (Brill : 2022), 228-252. L’interprétation des projections solaires qui, au moment du solstice d’été, le jour de Saint Jean et de Sânziene, focalisent les rayons aux pieds du voïévode représenté dans la fresque votive et puis descendent et suivent leur chemin jusque à la Sainte Table eucharistique, mettant le basileus roumain en rapport direct avec la Mise au Tombeau et la Résurrection du Christ et sa Descente aux Enfers (vers la fresque de laquelle regarde la famille royale du tableau votif) pour libérer les protoparents pécheurs Adam et Eve (Herea, « La Voix du Soleil », 68-79) et leur relation avec le blason d’Etienne le Grand proposent des nouveaux sens qui peuvent être mis en rapport avec notre sujet et nous le garderons comme idée à analyser pour une future recherche.
Image 4. Cavalcade célébrant la Glorieuse Croix, avec l’Empereur Constantin le Grand et les Saints Militaires. Fresque du monastère Pătrăuți, nartex, cca. 1490, Photo Petru Palamar.
Image 5. Doamna Roxanda. Fragment de tableau votif du Monastère d’Argeș, peinture atribuée au peintre Dobromir de Târgoviște, avant 1526, Musée National d’Art de la Roumanie. Je remercie le Musée National d’Art de Roumanie, Bucarest pour la générosité de m’offrir les droits de reproduction et publication de l’image. Mes remerciements particuliers à Madame Iulia Dumitrașcu pour son aide.
Image 6. Le Monastère de Curtea de Argeș, construit entre 1512-1517.