Mourir en tant que migrant : thanatopolitiques et thanatopratiques de l’Italie contemporaine
Abstract
Contexte Contexte
Le phénomène de la migration des pays en voies de développement vers l'Europe est
devenu durant ces dernières années de plus en plus important. Ce processus a
transformé, et transforme toujours, l'Italie en un pays où des changements sociaux
importants se développent, impliquant une nouvelle configuration de la population
présente sur le territoire et nécessitant des mises à jour institutionnelles et
administratives. Parmi ces adaptations visant à la coexistence des différentes langues et
cultures, la présente recherche s'est intéressée à celles relatives à la sphère funèbre:
comment meurent les étrangers en Italie?
Sachant que l'Italie est un pays où l'immigration est un phénomène constant et
en augmentation progressive depuis une vingtaine d'années, il n'est pas étonnant de
constater une augmentation de la mortalité étrangère du point de vue numérique. De
2003 à 2008, on est passé de 2559 à 4278 décès d'étrangers résidants, soit une
augmentation annuelle moyenne de 10%.
Si l'on compare ce résultat avec l'augmentation des naissances (de 64000 en
2007 à 77000 en 2009), des permis de séjour, des demandes de résidence et des
inscriptions aux écoles, il est raisonnable d'estimer que la population étrangère en Italie
est en train de se sédentariser et donc que le phénomène de la mortalité va encore
augmenter.
Comme le phénomène de mortalité de la population étrangère est très différent
de celui concernant les citoyens italiens (effet du migrant sain, âge moyen plus jeune,
nombreux retours en raison de maladies), la recherche s'est intéressée aux possibilités
administratives pour l'adieu à la vie et aux mécanismes sociaux intervenants à l'intérieur
des communautés d'étrangers présentes sur le territoire au moment du décès d'un de
leur membre.
Méthodes Méthodes
La recherche s'est développée de mars à octobre 2010 et a été principalement réalisée
sur les villes de Rome et Turin. La méthodologie suivie a été celle de la recherche
bibliographique, dix entretiens qualitatifs avec des interlocuteurs privilégiés et
l'observation participante.
Résultats Résultats
Un étranger en Italie souvent ne trouve pas de place pour vivre et, selon les résultats de
la recherche, même pas pour mourir. C'est pourquoi des discours émerge l'image d'une
belle mort, une mort liée à l'idée de soi et qui termine bien l'expérience de la migration
avec un retour des corps vers le pays d'origine. Mais même cette solution n'est pas facile.
Actuellement, il n'est pas possible de quantifier le nombre de corps rapatriés, ni
le nombre de tombes occupées par des fidèles de religions non chrétiennes (l'attention a
été portée en particulier sur les fidèles islamiques, minorité religieuse la plus présente
sur le territoire). Les villes et les services funèbres italiens ne sont pas encore préparés
face à la demande de rituels funèbres qui ne soit pas ceux de la cérémonie catholique, y
compris les demandes de rituels laïcs. Dans les hôpitaux, il n'y a pas d'accords nationaux
permettant à des représentants du corps religieux d'entrer hors des heures de visites et
souvent il n'existe même pas d'endroits pour se recueillir, hors d'un contexte chrétien.
Le choix obligé paraît être celui du retour des corps, mais là aussi, il reste des
ombres aux niveaux de la réglementations et des services chargés d'assister cette
opération. Les deuxièmes générations, qui prennent toujours moins en considération la
possibilité de renvoyer les corps dans le pays d'origine de leurs parents (car l'Italie est
considérée comme leur pays), problématisent ce discours et lancent de nouveaux défis.
L'Italie est appelée à s'interroger sur ce sujet et pour ce faire, une profonde réflexion sur
sa propre culture des morts est nécessaire, un tabou qui peut-être arrivera à se dévoiler
grâce à la rencontre avec d'autres formes rituelles.
Keywords
death, immigrants, thanatopolitics, Italy.